Capsule littéraire de Jérémie Gagnon (manga)
19 septembre 2016Capsule littéraire de Brigitte Sirois (bande dessinée)
3 octobre 2016Silei, Fabrizio et Maurizio A.C. Quarelle (ill.). Carton Rouge : Matthias Sindelar – Le Mozart du ballon rond. Dijon : Âne bâté, 2014, 39 p.
En 1938, le jeune Marcus est obnubilé par le footballeur vedette Matthias Sindelar, capitaine de l’équipe autrichienne. Dans une Autriche tout juste annexée à l’Allemagne nazie, Marcus ne saisit pas bien tous les enjeux politiques. Les discours qu’il entend oscillent entre la propagande véhiculée par son enseignant et le patriotisme de son père. Toutefois, s’il ne comprend pas les subtilités de l’Anschluss, il sait qu’il adore voir son idole dribler et marquer des buts. De leur côté, le père de Marcus et ses amis croient que le footballeur devrait refuser de jouer devant le Führer afin de démontrer l’opposition autrichienne à la récente annexion. Même si finalement Sindelar décide de jouer, il refuse de faire le salut nazi au terme du match remporté par les Autrichiens. Ce n’est que quelques mois plus tard que Marcus et ses compatriotes saisiront l’ampleur du geste du joueur qui, par son acte de résistance, a peut-être signé au même moment son arrêt de mort. Mais, comme le mentionne Sindelar à sa fiancée italo-juive: « L’Autriche est toute ma vie. Il y a des moments où accepter de tout perdre est peut-être le seul moyen de sauver quelque chose ».
Campé dans un moment charnière de l’Histoire, soit l’annexion de l’Autriche au IIIe Reich, l’album de Silei et Quarello permet de découvrir avec les élèves ce contexte particulier qu’est la montée de la domination nazie qui mènera à la Deuxième Guerre mondiale. La lecture d’autres œuvres se déroulant à la même époque est évidemment une piste à explorer. Toutefois, une recherche plus ciblée sur le personnage quasi légendaire de Matthias Sindelar, sur Internet ou à l’aide de la base de données Eureka.cc, permet de constater que plusieurs versions de l’histoire du footballeur s’entrecoupent, se complètent, se contredisent ou se précisent. Ces accords et ces dissonances concernent, par exemple, ses origines juives, sa mort suspecte ou les motivations de son geste. Ainsi, la vie du footballeur se prête parfaitement à un atelier sur le développement des compétences informationnelles des élèves. Même si le besoin est déjà défini, c’est-à-dire en connaître davantage sur le joueur, il s’agit d’une occasion remarquable pour guider les élèves à savoir chercher, trouver, évaluer et, ultimement, utiliser l’information.
Pour finir, l’album peut également servir d’amorce à une recherche portant sur le sport comme lieu d’expression de revendications politiques et sociales. Pour limiter le propos, cette recherche pourrait être circonscrite aux Jeux olympiques. En effet, il ne faut pas négliger le fait que plusieurs de ces rendez-vous sportifs ont été le théâtre de diverses protestations. Que ce soit Tommie Smith brandissant un poing ganté en soutien au mouvement Black Power sur le podium des Jeux de Mexico en 1968, Cathy Freeman faisant flotter le drapeau aborigène aux côtés du drapeau australien lors de sa victoire aux 400 mètres en 2000 ou encore les politiciens boycottant la cérémonie d’ouverture des Jeux de Pékin en 2008 pour protester contre le non-respect des droits de l’Homme en Chine, tous ces gestes sont des prises de position et ces acteurs profitent de la tribune mondiale qu’offre les Jeux pour les exprimer. Finalement, pour orienter les recherches des élèves, le documentaire Les jeux olympiques, d’hier à aujourd’hui, de Magali Wiéner publié chez Flammarion, ainsi que l’album Le grand match de Fred Bernard, illustré par Jean-François Martin publié chez Albin Michel offrent de bonnes pistes. Bien que l’histoire de Bernard soit fictive, elle est inspirée d’actes de résistance dans le sport. De courts paragraphes évoquant ces évènements sont présentés sur une double page à la fin de l’ouvrage.
Rachel DeRoy-Ringuette
Collaboratrice au site Livres ouverts, MEES