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Heurtier, Annelise (d’après Léon Tolstoï) et Raphaël Urwiller (illustrations). Combien de terre faut-il à un homme? Paris : Thierry Magnier, 2014, 40 p.
Pacôme, un paysan russe, cultive sa terre et rêve de prospérité. Au fil du récit, il marchande à quelques reprises pour faire progresser ses avoirs et pour, le croit-il, devenir plus heureux. Lorsqu’un étranger de passage lui indique que les Bachkirs ne cultivent pas leur terre, mais qu’ils la laissent plutôt pour presque rien, Pacôme flaire l’affaire. Ainsi, il part à la rencontre du peuple nomade et discute d’une entente avec le chef : « Ce n’est pas la terre qui manque, répond le chef en caressant sa longue barbe. Voilà ce que je te propose : toute la terre que tu pourras parcourir en une journée de marche sera à toi, pour mille roubles seulement. La seule condition est qu’au soleil couchant, tu sois revenu à ton point de départ. Sinon, tu perds ton argent ». Pacôme, avide de terres fertiles, décide de relever le défi. Insatiable, il court à sa perte et découvre, dans un point de chute assez cruel, que le bonheur ne réside pas toujours dans la quête de l’abondance.
Si la nouvelle de Léon Tolstoï, parue en 1886, s’intitule Ce qu’il faut de terre à l’Homme, l’adaptation d’Annelise Heurtier adopte un titre différent : Combien de terre faut-il à un homme? Cette interrogation suggère une piste intéressante pour l’exploitation en classe, car elle permet d’amorcer la discussion dès la première de couverture. Par ailleurs, la modification dans l’adaptation du terme « homme », en tant qu’individu, préféré au terme « Homme » de l’œuvre originale, apporte quelques points de réflexion quant à l’universalité du propos. En alliant le titre au texte de la quatrième de couverture, les élèves peuvent faire des prédictions quant au message du récit.
Puisque l’œuvre permet de soulever discussions et réflexions, il est possible de l’exploiter tant en classe de français qu’en classe d’éthique et culture religieuse au deuxième cycle du secondaire. En effet, en plus d’être propice à la pratique du dialogue, l’album aborde d’une part l’ambivalence de l’être humain, puisque l’ambitieux Pacôme confond bonheur personnel et possessions matérielles, et d’autre part l’avenir de l’humanité, puisqu’il est aussi question, dans un registre plus large, du développement et de la croissance outrancière. À ce sujet, il serait intéressant de lire en parallèle Le pêcheur et sa femme, un conte des frères Grimm illustré par Jonas Lauströer chez Minedition. Ce conte classique traite également de l’avidité, mais les illustrations de la version retenue apportent une dimension très actuelle au texte original puisqu’elles démontrent les conséquences environnementales d’un développement abusif et d’une consommation de ressources excessive.
Rachel DeRoy-Ringuette
Collaboratrice au site Livres ouverts, MEES