Plusieurs déclarations ont défini et affirmé les droits du lecteur et de l’enfant lecteur tout au long du XXe siècle. Les grands principes fixés dans ces textes peuvent sembler abstraits et éloignés de la pratique documentaire en milieu scolaire, mais ils se situent au contraire au coeur de celle-ci, puisqu’ils devraient inspirer toute démarche des professionnels de la documentation.

Dans l’actualité:

Les droits des lecteurs sont d’abord définis par les différentes chartes qui affirment les droits et libertés des humains. Ainsi, l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, adoptée par les 58 pays membres des Nations Unies en 1948, incluant le Canada, stipule que:

«Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.»

Nations Unies, Déclaration universelle des droits de l’homme, 1948.

Certaines associations professionnelles du domaine de la documentation ont aussi exprimé l’importance de ces droits pour elles. Par exemple, au Canada, l’Association canadienne des bibliothèques a pris position sur la liberté intellectuelle par le biais d’une déclaration officielle, une première fois en 1974:

«Tel qu’entériné dans la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés, toute personne au Canada a le droit fondamental d’accéder à toutes les expressions du savoir, de la créativité et de l’activité intellectuelle, et d’exprimer ses vues publiquement. Ce droit à la liberté intellectuelle, garanti par la loi, est essentiel au bien-être et au développement de la société canadienne.

Les bibliothèques ont la responsabilité fondamentale de promouvoir le rayonnement et la défense de la liberté intellectuelle.

Il incombe aux bibliothèques d’assurer l’accès à toutes les expressions du savoir et de l’activité intellectuelle, y comprises celles considérées non conventionnelles, impopulaires, voire inacceptables, pour certains. À cette fin, les bibliothèques acquièrent et rendent disponible une grande variété de documents.

Les bibliothèques ont la responsabilité de garantir le droit de s’exprimer librement en mettant à la disposition des groupes et des particuliers qui en ont besoin ses installations et services publics.

Les bibliothèques ne doivent pas céder sous les efforts voulant limiter l’exercice de ces responsabilités, tout en reconnaissant aux groupes et aux particuliers le droit à la critique.

Aux responsabilités institutionnelles des employés et des employeurs des bibliothèques s’ajoute celle de défendre ces principes.»

Canadian Library Association / Association canadienne des bibliothèques, Énoncé sur la liberté intellectuelle, 1974.

Trois associations québécoises du milieu de la documentation ont aussi adopté une Charte des droits du lecteur en 1976. Ces associations sont l’Association des bibliothécaires du Québec / Quebec Library Association (ABQLA), l’Association pour l’avancement des sciences et des techniques de la documentation (ASTED) et la Corporation des bibliothécaires professionnels du Québec (CBPQ). La Charte affirme que:

«Toute personne a le droit à la liberté intellectuelle, c’est-à-dire le droit fondamental d’accéder à toutes les formes d’expression du savoir et d’exprimer ses pensées en public.

Le droit à la liberté intellectuelle est essentiel et vital à une saine démocratie et au développement de la société québécoise.

En vertu de cette déclaration, les administrateurs et le personnel des bibliothèques ont, envers le lecteur, l’obligation:

  • d’assurer et de maintenir ce droit fondamental à la liberté intellectuelle;
  • de garantir et de faciliter l’accès à toute forme et à tout moyen d’expression du savoir;
  • de garantir ce droit d’expression en offrant les services usuels, physiques et intellectuels, de la bibliothèque;
  • de s’opposer à toute tentative visant à limiter ce droit à l’information et à la libre expression de la pensée tout en reconnaissant aux individus ou aux groupes le droit à la critique.

Les bibliothécaires doivent promouvoir et défendre les principes de cette déclaration.»

Association des bibliothécaires du Québec / Quebec Library Association (ABQLA), Charte des droits du lecteur, 1976.

Les enfants ont eux aussi des droits reliés à la liberté intellectuelle. Ainsi, la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée en 1989 et signée par le Canada, contient les articles suivants:

Article 13

1. L’enfant a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant.

2. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont prescrites par la loi et qui sont nécessaires:

  1. Au respect des droits ou de la réputation d’autrui; ou
  2. A la sauvegarde de la sécurité nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité publiques.

Article 17

Les Etats parties reconnaissent l’importance de la fonction remplie par les médias et veillent à ce que l’enfant ait accès à une information et à des matériels provenant de sources nationales et internationales diverses, notamment ceux qui visent à promouvoir son bien-être social, spirituel et moral ainsi que sa santé physique et mentale. A cette fin, les Etats parties :

  1. Encouragent les médias à diffuser une information et des matériels qui présentent une utilité sociale et culturelle pour l’enfant et répondent à l’esprit de l’article 29;
  2. Encouragent la coopération internationale en vue de produire, d’échanger et de diffuser une information et des matériels de ce type provenant de différentes sources culturelles, nationales et internationales;
  3. Encouragent la production et la diffusion de livres pour enfants;
  4. Encouragent les médias à tenir particulièrement compte des besoins linguistiques des enfants autochtones ou appartenant à un groupe minoritaire;
  5. Favorisent l’élaboration de principes directeurs appropriés destinés à protéger l’enfant contre l’information et les matériels qui nuisent à son bien-être, compte tenu des dispositions des articles 13 et 18.

Nations Unies, Convention relative aux droits de l’enfant, 1989.

Ces principes doivent aussi être respectés et défendus en milieu documentaire, ce qui inclut en milieu scolaire.

Enfin, on ne peut traiter de droits des lecteurs sans mentionner Comme un roman de Daniel Pennac! Dans cet essai qui porte sur la lecture et son enseignement, Pennac définit dix droits imprescriptibles du lecteur:

  1. Le droit de ne pas lire
  2. Le droit de sauter des pages
  3. Le droit de ne pas finir un livre
  4. Le droit de relire
  5. Le droit de lire n’importe quoi
  6. Le droit au bovarysme
  7. Le droit de lire n’importe où
  8. Le droit de grappiller
  9. Le droit de lire à haute voix
  10. Le droit de nous taire

Daniel Pennac, Comme un roman, Paris: Gallimard, 1992, 175 pages.

Bien que moins officiels, ces droits énoncés par Pennac inspirent la pratique de nombreux professionnels de la documentation!

Il est d’ailleurs possible d’obtenir une affiche illustrant les droits du lecteur selon Pennac en s’adressant à un libraire. C’est une jolie façon de rappeler aux utilisateurs d’une bibliothèque l’importance de toujours marier le plaisir à l’apprentissage de la lecture! 🙂