Article écrit par Lyne Rajotte, bibliothécaire, Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles.
Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) ainsi que plusieurs bibliothèques publiques québécoises offrent du livre numérique en prêt à leurs abonnés. Les conditions derrière cette offre numérique sont-elles transférables dans le milieu scolaire? La consultation publique menée en octobre 2013 auprès des bibliothécaires scolaires membres du groupe Google BiblioOct2009, nous fournit quelques éléments de réponse. La consultation avait pour but de déterminer les besoins du milieu scolaire en lecture numérique et se présentait comme un document collaboratif disponible par l’intermédiaire de la suite bureautique WEB, Google documents.
Nous avons dégagé que nos milieux servent des besoins en lecture autonome et en lecture pédagogique. Par lecture autonome, nous entendons que l’élève a le choix de lire le livre qui lui plaît, librement et sans contrainte, sans devoir rendre compte de sa lecture à personne. Ce type d’usage ressemble à ce qui se vit en bibliothèque municipale. Par lecture pédagogique, nous entendons tous les types de lecture associés aux centaines d’actions mises en place par les enseignants qui mèneront, dans un premier temps, à l’apprentissage de la lecture et, au fil du parcours scolaire des élèves, au développement d’excellents lecteurs. Ce type d’usage est unique et propre à notre milieu, il est au coeur de toute la vie scolaire. La lecture pédagogique nous différencie et nous n’avons pas à nous excuser de cette singularité. Les techniciens en documentation et les bibliothécaires scolaires ont un rôle exceptionnel à jouer en s’assurant, par exemple, que la littérature jeunesse soit constamment au coeur des projets de lecture des élèves.
Pour répondre à la demande en lecture autonome, les conditions derrière l’offre numérique des bibliothèques publiques pourraient être transférables en milieu scolaire: un élève emprunte un livre disponible qui lui plaît, en fait la lecture, le retourne ou profite au maximum du temps attribué. Facile!
Par contre, pour répondre aux besoins de lecture pédagogique, plus rien ne va! La multiplicité des projets perturbe tout:
- certains sont courts, d’autres de longue haleine;
- certains se vivent en classe, d’autres en sous-groupes dans des lieux divers, au local informatique, au service de garde, à la maison, etc.;
- parfois plusieurs élèves de plusieurs classes se partagent un corpus de livres à plusieurs reprises durant quelques jours;
- l’enseignant peut avoir besoin de projeter sur tableau numérique interactif (TNI) un livre pour un apprentissage, celui-ci retourne entre les mains d’un élève, est projeté à nouveau, etc.;
- selon l’endroit où il se trouve, l’élève aura à utiliser un grand nombre d’outils de lecture différents au cours de la journée et très peu de ceux-ci lui appartiendront en propre;
- selon les projets, un livre peut être nécessaire pour aussi peu qu’une heure et aussi longtemps qu’une année. Le temps d’emprunt est tout simplement imprévisible;
- etc.
Je pense que cette énumération démontre assez clairement que les conditions de prêt numérique à BAnQ et dans les bibliothèques publiques ne pourront servir adéquatement les besoins du milieu scolaire.
Une fois que cela est dit, quelle est la solution? À ce jour, je n’ai pas trouvé la voie de développement idéale, mais je cherche fort! Ci-dessous, je décline l’avancement de mes cogitations qui j’espère suscitera réflexions et commentaires. Il ne s’agit que d’une proposition parmi d’autres, rien de plus!
Du côté gauche du tableau, je décortique les conditions de prêt en cours à BAnQ et en bibliothèque publique. Du côté droit, je commente et tente de proposer une solution envisageable pour le milieu scolaire en tenant compte des contraintes humaines, budgétaires, organisationnelles et informatiques de mon propre milieu. Réfléchissons ensemble!
Milieu municipal | Milieu scolaire |
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Verrou numérique d'Adobe | Réactions:
Solutions possibles:
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Chronodégradabilité (ce qui veut dire que le fichier numérique est accessible à un usager pendant un nombre limité de jours et qu'il devient illisible par la suite pour cet emprunteur) | Réactions:
Solutions possibles:
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Enregistrement «machine» (c'est-à-dire que l'emprunt doit se télécharger sur chaque appareil utilisé. Dans le premier 24 h de l'emprunt, l'usager peut faire autant de téléchargement qu'il le désire. Note: j'ai testé jusqu'à 15 téléchargements consécutifs et je n'avais toujours pas un message de contrainte.) | Réactions:
Solutions possibles:
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55 prêts par livre numérique | Réactions:
Solutions possibles:
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Un livre = un prêt à la fois (les emprunts sur un livre ne peuvent s'écouler qu'un usager à la fois) | Réactions:
Solutions possibles:
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Si l'institution désire avoir plus d'un lecteur consécutif, elle doit acheter plusieurs fichiers numériques d'un même livre. Si l'institution désire avoir plus de 55 prêts sur un livre, elle doit acheter des copies supplémentaires du fichier numérique. | Réactions:
Solutions possibles: On achète le nombre de prêts désirés par fichier numérique. La CS possède en tout temps un seul fichier d'un même livre. Par exemple: 1 fichier numérique d'un livre à 10$ est automatiquement associé à 110 prêts. Cela revient à 9,1¢/prêt pour ce livre. Une petite CS peut acquérir une copie de base avec ses 110 utilisations déjà associées (9,1¢ x 110 prêts = 10,01$). Une grosse CS peut, quant à elle, acheter 1500 prêts d'un coup (9,1¢ x 1500 prêts = 139,50$). Deuxième exemple: 1 fichier numérique d'un livre à 24,95$ est automatiquement associé à 110 prêts. Cela revient à 22,68¢/prêt pour ce livre. Par exemple, une CS peut acheter 400 prêts d'un coup (22,68¢ x 400 prêts = 90,72 $)
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Le fichier numérique du livre coûte environ 75% de son équivalent papier (il s'agit d'une moyenne, la réalité est plus nuancée) | Réactions:
Solutions possibles:
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Pour amorcer notre processus de réflexion, il peut être facilitant de partir de ce qui est connu. Décortiquer les conditions, permuter les milieux pour se projeter et évaluer la faisabilité de l’offre sont un point de départ, mais est-ce que l’ensemble de ces pistes de solution constitue une voie de développement satisfaisante? Avez-vous des avenues intéressantes en vue? Comment envisagez-vous ce développement numérique qui est à nos portes? J’aimerais vous entendre, merci de partager.
À titre informatif, afin de se donner un cadre de réflexion stable, voici les prémisses qui ont guidé les discussions dans mon milieu:
- Démontrer clairement la plus-value de l’utilisation de la version numérique sur son équivalent papier;
- Tenir compte du contexte humain, budgétaire, organisationnel et informatique de la CS;
- Que tout du long, la voie empruntée soit légale, de la première démarche jusqu’au paiement des ayants droits;
- Que la voie de développement puisse s’importer partout et ne causer aucun préjudice dans aucune CS;
- Que financièrement, il n’y ait pas un écart trop grand entre choisir la voie numérique plutôt que son équivalent papier.
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